art postal - mail art

art postal - mail art

dimanche 17 septembre 2023

visite à l'exposition d'art postal de Maulay organisée par l'Art en Boîte

Le mail-art est descendu parmi nous

exposition d'art postal dans l'église de Maulay – 17 septembre 2023



Dimanche 17 septembre 2023, Johan, Nicolas et moi-même nous sommes rendus à Maulay, petite bourgade de 172 habitants au dernier recensement, située aux confins de la Vienne du côté de l'Indre-et-Loire.



Que se passait-il ce dimanche à Maulay pour que nous fassions une heure de route pour nous y rendre ? Figurez-vous qu'à l'occasion des « Journées du Patrimoine » qui se déroulaient ce week end, une exposition se tenait dans l'église du village. Une exposition d'art postal, organisée par l'association Azimut, portée par Sylvie Perrot.



C'est d'ailleurs elle qui nous accueille, en robe d'été fleurie, le sourire aux lèvres, et nous invite directement à découvrir l'exposition. Nous pénétrons dans la petite église, aussitôt pris par le calme, la sobriété, la sérénité du lieu. Les bancs, sagement alignés, font écho à la magnifique charpente en bois reposant sur les murs de calcaire.

À l'entrée sont rassemblés quelques sacs postaux, une collection de casquettes de facteur, quelques livres sur la poste... une entrée en matière. En effet, l'art postal, également appelé mail-art, est une pratique artistique consistant à créer des œuvres qu'on fait voyager par la poste. Les néophytes pouvaient en trouver là une magnifique illustration.



Nous avançons dans la nef pour découvrir, observer, admirer la myriade de courriers envoyés par une multitude de contributeurs. Les organisateurs ont réalisé un accrochage très délicat, léger. Les œuvres d'art postal s’intègrent dans le lieu, utilisant ici une niche, auréolant là quelques statues mariales, ou disposés sur l'autel avec beaucoup de respect. Quelques courriers sont posés comme de délicats papillons sur des ficelles tendues simplement par des cailloux. Des sortes de paravents, formés de grands cartons récupérés, découpés au sommet en forme de bâtiments, servent de support à d'autres envois postaux, de part et d'autre de l'autel.



La présentation d'art postal, expression parfois triviale, souvent facétieuse, dans ce lieu religieux, consacré, se fait ici sans heurt, avec beaucoup de naturel. Elle donne même de la sacralité aux œuvres. Elle suggère peut-être que la religion commune pourrait être... le mail-art. Comme pour le culte, l'art postal a ses initiés, adeptes occasionnels ou fervents pratiquants. Et à voir ce qui transite par les services postaux et arrive à destination, l'art postal fait aussi des miracles !



Décrire les œuvres est une gageure, tant la diversité et l'inventivité sont grandes. De multiples matériaux servent de support, ou d'écrin : carton, tissu, plastique transparent, bois léger... boîtes de carton, boîtes à camembert, à coulommiers... Ils donnent une base à des dessins, des compositions colorées, des collages, et même de la couture ! Agrémentés de plumes, de ficelle, de perles, certains envois incluent des petits objets : ici une main en pâte à sculpter, là un visage de poupon...




D'autres courriers composent un message, mélangeant parfois lettres et pictogrammes : « Comme 1 (dessin d'un poisson) / dans l'O » (sur trois enveloppes) ; « Les / Œufs / Maulay » (sur trois cartes en forme d’œuf)... Chaque courrier est une œuvre miniature, un univers, l'expression d'un artiste concentré sur un format carte postale.

Difficile de sortir de cette bulle de créativité et d'émotions esthétiques... Nous retournons néanmoins sur la place de l'église, où se déroule un troc de plantes. Hier a eu lieu ici un concert de chanson française, organisé par Azimut. Aujourd'hui, c'est un repas partagé, auquel nous participons. Des tables ont été installées sous les tilleuls. Le soleil est avec nous. Monsieur le maire fait un petit discours en quelques mots – l'art postal il ne connaissait pas, mais il trouve ça très chouette – puis il sert un coup à boire à tout le monde. Un voisin à mis la musique chez lui et a ouvert la fenêtre. Chacun sort ce qu'il a apporté et nous partageons salades, quiches, tartes, etc. L'assemblée est assez variée, des adultes, des personnes âgées, qui ne sont pas en reste pour raconter les menus événements de leur vie...



Nous rencontrons de visu, « en vrai », des personnes avec qui nous avons échangé du mail-art. Quel bonheur de faire plus ample connaissance autour d'une table bien garnie, de se raconter nos inspirations, nos projets, nos soucis, de se donner des nouvelles de connaissances communes. Les discussions vont bon train, dans une ambiance sympathique, chaleureuse, conviviale...

Après le café, il faut songer à regagner nos pénates. Mais nous resterons en contact. Nous nous écrirons, nous nous téléphonerons, nous organiserons quelque chose ensemble... L'art postal a ce pouvoir-là. Élégant, amusant, surprenant, il est indéniablement un formidable outil pour créer du lien social.


De l'Art Brut à l'Art Postal

entretien avec Sylvie Perrot



Je suis une ancienne infirmière en psychiatrie de l'hôpital de Niort. Sur la fin de ma carrière, on m'a proposé l'encadrement des ateliers thérapeutiques. J'ai dit « OK... si je peux secouer la poussière ! »

A ma retraite, je suis venu m'installer à Maulay. Ma famille est originaire d'ici.

Il y a cinq, avec mon compagnon Vincent Clémot, qui est photographe, nous avons fondé l'association Azimut. Le but, c'est de créer des événements artistiques et culturelles en milieu rural. Tu vois, c'est bien que ça bouge, ici aussi...

Alors, l'art postal, comment c'est venu ? Déjà, je suis passionnée par l'art brut. Donc, la correspondance illustrée entre Chaissac et Dubuffet, j'ai l'impression que je connais ça depuis toujours...

Mais il y a eu, plus précisément, l’exposition que nous avons organisée avec Azimut, début 2020, autour de Pascal Audin. C'est un artiste de l'art brut, ou naïf, singulier, comme on dit plutôt maintenant. Il peint sur plein de supports différents, il a même peint pratiquement tout l'intérieur de sa maison. Ça a été quelque chose de grandiose, sur trois lieux à Niort : à la Galerie Grand-Nord, à la Librairie des Halles et à l’hôpital. Il y a eu des lectures, ça a créé beaucoup de rencontres, cette expo.

Quand ça a été fini, nous avons eu envie d'entretenir ces liens, de continuer par l’art postal. Alors nous avons créé « l’Art en boîte », un réseau d'échange de mail-art. C'est une idée d’Éric Lotterie, un ancien collègue de l'hôpital psychiatrique de Niort. Il a créé la page FaceBook, le logo...

Là-dessus, le confinement à cause du Covid est arrivé. Et « l'Art en Boîte » nous a permis, effectivement, de rester en lien, et même de nous soutenir les uns les autres. Il y en a pour qui ça a été dur, le confinement, et l'art postal a vraiment été une aide.

Dans la continuité, en 2022, nous avons organisé une exposition d’art postal à la librairie des Halles. L'accrochage était génial !

Et cette année, pour les journées du Patrimoine, on refait une expo de mail-art. Le maire de Maulay est très ouvert, il nous a aidé pour l'organisation, l'expo, le concert, le repas partagé...

L'art postal, c'est vraiment un outil relationnel génial. Et puis ce que j'aime, c'est que c'est « pas tout de suite ». Il faut attendre. Des fois ça se perd – c'est assez rare en fait – ou ça prend du retard... À partir du moment où on met son courrier dans la boîte aux lettres, ça nous appartient plus. Pour cette expo, il y a des courriers qui ont tous été postés en même temps, notamment par une classe du lycée rural de La Perrière, à côté de Maulay... eh bien certains sont arrivés bien après les autres ! Les élèves sont venus voir l'expo, et ils ont envie de recommencer ! Et ça a du sens pour eux, maintenant.

Ce que je trouve intéressant, dans l'art postal, c'est qu'il y a une consigne : une adresse où envoyer le courrier, un thème proposé... et le reste c'est la liberté de créer.



Si je peux, je vais continuer à organiser des expositions d'art postal. C'est tellement riche ! L'Art en Boîte va peut-être s'ouvrir à des correspondances à l'échelle internationale. Pour l'instant on est beaucoup entre français. Mais il faut aussi pouvoir répondre à tous les gens... C'est presque un travail à plein temps !


Jean-Charles BOILEVIN 2023